Hawa retrouve le téléphone orange, Maroine fait tomber les morceaux
de son puzzle, Mediné attrape des marrons avec une pince et Lisa range
des coquilles d'escargots dans une boîte d'oeuf. En les regardant, vous
diriez sans doute qu'ils jouent. Ce qui n'est pas faux, même s'ils font
beaucoup plus : ils apprennent.
« Rien n'est gratuit à l'école
maternelle. Tout est apprentissage », résume leur maîtresse de la
petite et moyenne section, Marie-Line Monnier. A condition qu'un adulte
formé pour cela accompagne les petits, verbalise les découvertes et les
guide vers des objectifs bien précis.
« Je voudrais voir e circuit rangé », leur intime Marie-Line
La
maîtresse repère une fillette qui fait semblant de dessiner sur des
couvertures d'albums pour enfants. « Ça me donne une idée, lui confie
Marie-Line, réjouie. Un jour, je te donnerai un papier transparent et
tu dessineras sur le livre, tu verras. » Elle sort vite un calque pour
mettre sa parole en images. Deux yeux écarquillés n'en croient pas leur
bonheur.
Éric Satie s'invite dans la classe : la petite musique
signale l'heure du rangement et provoque un déclic plus ou moins
instantané selon les enfants. Trois fillettes s'installent déjà sur le
banc tandis que des garçons entament un combat, armés de rails de train
en bois. « Je voudrais voir ce circuit rangé », leur intime Marie-Line.
« Joris
a tiré la langue ! », rapporte quelqu'un. Elle en profite pour faire
participer tout le monde : « C'est de quel côté dans notre cahier ? ».
Réponse en choeur : « Rouge ! ». Ça veut dire qu'on a le droit ou qu'on
n'a pas le droit ? « Pas le droit ! ».
Tout le monde est assis,
même si c'est plus difficile pour les petits (3 ans) que pour les
moyens (4 ans). Marie-Line entonne un refrain qui demande à chacun
comment ça va. Medhi est en forme, Yasin est très calme, Jules un peu
énervé, Mike est de bonne humeur, Maxence n'ose pas parler...
Djakhoumba
n'est pas là aujourd'hui, elle a peut-être la varicelle. « Moi aussi,
varicelle », dit quelqu'un. Il y a trois absents. On montre le chiffre
dessiné, et on lève trois doigts. Un « moyen » prend Mike par la main
et l'aide à accrocher l'étiquette avec son prénom au tableau des
présents.
Devant les toilettes, occupées par une autre classe, la
maîtresse improvise une petite chanson, dans laquelle on remplace peu à
peu les paroles par des gestes. Les enfants ne le savent pas, mais ils
sont en train d'isoler des mots, de mieux cerner cette notion
fondamentale du langage.
La matinée a avancé et les activités se
font en ateliers. Le groupe des verts colle des feuilles d'arbre de
différentes tailles en ordre croissant. Ils se frottent ainsi à la
colle bleue, mais surtout aux mathématiques.
Marie-Line lit un
livre aux petits. « Foulbazar n'est pas content, vous avez vu ? Il a
des pensées toutes noires qui sortent de sa tête. » Pendant qu'elle
raconte, Imen débarque, avec les boudins de pâte à modeler collés sur
les lettres de son prénom. La maîtresse lui montre là où c'est « trop
aplati ».
«C'est compliqué de s'appliquer et 'écouter une histoire en même temps»
Jules
aussi dit qu'il a fini. « Dis donc, Jules, tes escargots sont vite
faits... C'est compliqué de s'appliquer et d'écouter une histoire en
même temps », relève malicieusement la maîtresse qui a bien vu que le
garçon voulait écouter l'histoire de Claude Ponti.
Après le goûter
et avant la récréation, Marie-Line lace les chaussures de Maroine. Elle
en profite pour lui glisser : « Je trouve que tu parles bien ce matin,
ça me fait très plaisir, je comprends tout ce que tu dis. » Parler pour
être compris par d'autres que papa et maman est sans doute l'un des
apprentissages les plus fondamentaux de l'école maternelle.
A trois
ans, ce n'est pas évident d'exprimer des idées, de se ranger en rang
par deux dans le couloir, de savoir prendre la parole à son tour, de
respecter une consigne. Et il faut bien les trois (ou quatre) années
d'école maternelle pour intégrer ce programme, et devenir un élève.