VEF Blog

Titre du blog : Lus dans la presse pour vous
Auteur : apepa
Date de création : 03-09-2008
 
posté le 08-11-2008 à 10:28:17

Garder la maternelle

Garder la maternelle

L'école maternelle n'est pas une garderie. Certains professionnels veulent défendre la spécificité de cette institution bien française, qui serait menacée. Reportage hier matin dans une classe de petits-moyens à l'école des Prunelliers, à Bischheim.

Hawa retrouve le téléphone orange, Maroine fait tomber les morceaux de son puzzle, Mediné attrape des marrons avec une pince et Lisa range des coquilles d'escargots dans une boîte d'oeuf. En les regardant, vous diriez sans doute qu'ils jouent. Ce qui n'est pas faux, même s'ils font beaucoup plus : ils apprennent.
 « Rien n'est gratuit à l'école maternelle. Tout est apprentissage », résume leur maîtresse de la petite et moyenne section, Marie-Line Monnier. A condition qu'un adulte formé pour cela accompagne les petits, verbalise les découvertes et les guide vers des objectifs bien précis.

 

« Je voudrais voir e circuit rangé », leur intime Marie-Line

 La maîtresse repère une fillette qui fait semblant de dessiner sur des couvertures d'albums pour enfants. « Ça me donne une idée, lui confie Marie-Line, réjouie. Un jour, je te donnerai un papier transparent et tu dessineras sur le livre, tu verras. » Elle sort vite un calque pour mettre sa parole en images. Deux yeux écarquillés n'en croient pas leur bonheur.
 Éric Satie s'invite dans la classe : la petite musique signale l'heure du rangement et provoque un déclic plus ou moins instantané selon les enfants. Trois fillettes s'installent déjà sur le banc tandis que des garçons entament un combat, armés de rails de train en bois. « Je voudrais voir ce circuit rangé », leur intime Marie-Line.
 « Joris a tiré la langue ! », rapporte quelqu'un. Elle en profite pour faire participer tout le monde : « C'est de quel côté dans notre cahier ? ». Réponse en choeur : « Rouge ! ». Ça veut dire qu'on a le droit ou qu'on n'a pas le droit ? « Pas le droit ! ».
 Tout le monde est assis, même si c'est plus difficile pour les petits (3 ans) que pour les moyens (4 ans). Marie-Line entonne un refrain qui demande à chacun comment ça va. Medhi est en forme, Yasin est très calme, Jules un peu énervé, Mike est de bonne humeur, Maxence n'ose pas parler...
 Djakhoumba n'est pas là aujourd'hui, elle a peut-être la varicelle. « Moi aussi, varicelle », dit quelqu'un. Il y a trois absents. On montre le chiffre dessiné, et on lève trois doigts. Un « moyen » prend Mike par la main et l'aide à accrocher l'étiquette avec son prénom au tableau des présents.
 Devant les toilettes, occupées par une autre classe, la maîtresse improvise une petite chanson, dans laquelle on remplace peu à peu les paroles par des gestes. Les enfants ne le savent pas, mais ils sont en train d'isoler des mots, de mieux cerner cette notion fondamentale du langage.
 La matinée a avancé et les activités se font en ateliers. Le groupe des verts colle des feuilles d'arbre de différentes tailles en ordre croissant. Ils se frottent ainsi à la colle bleue, mais surtout aux mathématiques.
 Marie-Line lit un livre aux petits. « Foulbazar n'est pas content, vous avez vu ? Il a des pensées toutes noires qui sortent de sa tête. » Pendant qu'elle raconte, Imen débarque, avec les boudins de pâte à modeler collés sur les lettres de son prénom. La maîtresse lui montre là où c'est « trop aplati ».

 

«C'est compliqué de s'appliquer et 'écouter une histoire en même temps»

 Jules aussi dit qu'il a fini. « Dis donc, Jules, tes escargots sont vite faits... C'est compliqué de s'appliquer et d'écouter une histoire en même temps », relève malicieusement la maîtresse qui a bien vu que le garçon voulait écouter l'histoire de Claude Ponti.
 Après le goûter et avant la récréation, Marie-Line lace les chaussures de Maroine. Elle en profite pour lui glisser : « Je trouve que tu parles bien ce matin, ça me fait très plaisir, je comprends tout ce que tu dis. » Parler pour être compris par d'autres que papa et maman est sans doute l'un des apprentissages les plus fondamentaux de l'école maternelle.
 A trois ans, ce n'est pas évident d'exprimer des idées, de se ranger en rang par deux dans le couloir, de savoir prendre la parole à son tour, de respecter une consigne. Et il faut bien les trois (ou quatre) années d'école maternelle pour intégrer ce programme, et devenir un élève.

 

Charlotte Dorn

Édition du Ven 7 nov. 2008